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Au cœur de l’Afrique

Un continent aux mille saveurs

Lors de ma deuxième année d’études en agronomie, j’ai souhaité concrétiser un projet qui m’a toujours tenu à cœur: découvrir le continent africain. L’opportunité de réaliser mon travail de Bachelor au Bénin s’est alors ouverte. Retour sur ce périple africain de quatre mois, sous forme de carnet de bord.

Le jour J est arrivé. Les formalités du voyage se sont passées sans encombre. Il ne me reste plus qu’à attendre patiemment l’annonce invitant les voyageurs à s’installer dans l’avion. L’aéroport semble peu animé. Serait-ce dû au manteau nuageux dont s’est paré le ciel, en ce 24 juin 2013? Devant la porte d’embarquement, je ne ressens ni crainte, ni excitation. Je me sens sereine malgré l’avion qui se fait attendre et risque de me faire rater la correspondance.

Dépasser ses craintes

Grande expérience! C’est la première fois que je pars seule à l’étranger et sur le continent africain. Je me remémore quelques citations qui m’encouragent, notamment une de Nelson Mandela: «Le courage n’est pas l’absence de peur mais la capacité de la vaincre». Je débute mon voyage initiatique avec cette phrase en tête.

À peine arrivée à Cotonou, la capitale économique située au sud du Bénin, une chaleur empreinte d’humidité me cloue littéralement au sol. Je ne suis pas encore installée, qu’il me faut déjà partir pour la «brousse». Ceci afin de visiter la bourgade dans laquelle je vais travailler durant trois mois. Le premier jour, c’est le conseil de village. Je l’avoue, je suis quelque peu impressionnée par tous ces hommes qui me semblent un peu rustres. Sans perdre de temps, je rencontre Lucien, le jeune à qui il a été confié la tâche de me conduire, de me guider sur mon lieu de travail et de faire office de traducteur dans la langue fon. Ces quelques jours se passent bien car je me sens entourée.

Philosophie et chemin de vie

Mais arrive le moment où je dois voler de mes propres ailes et réaliser ma première mission en toute autonomie. Je me sens un peu déconcertée et appréhende la situation. Cela me force à développer une force intérieure afin de dépasser mes peurs. Ce pays me semble enclin à une grande spiritualité. Cela me fait écho puisque j’ai emprunté, depuis bien des années, un chemin philosophique bouddhiste qui prend encore plus de sens, grâce à l’expérience que je vis.

Parlons maintenant du village dans lequel je vais déployer toute ma créativité pour mener à bien mon projet. Celui-ci se nomme Zagnanado (oralement Zangnanado) et doit son nom à l’un des souverains du temps des rois d’Abomey. L’histoire raconte que le grand roi guerrier Guézo fut blessé à mort (1858) alors qu’il allait conquérir de nouveaux royaumes à l’intérieur de ce qu’on nomme aujourd’hui le Nigéria. Il était communément admis qu’aucun monarque ne devait mourir en dehors de son royaume et il fut donc escorté rapidement. Il rendit son dernier souffle en arrivant au village. La coutume à cette époque était d’annoncer la mort d’un roi par l’expression «Zan nylan kou » «la nuit est tombée sur de mauvais auspices». Voici un nom empreint d’une grande symbolique.

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Le quotidien béninois

Malgré l’intensité du travail, je profite de quelques jours de répit pour visiter Porto-Novo, la capitale politique du pays. Je séjourne chez une amie béninoise, rencontrée lors de mon travail de terrain à Zagnanado. Sa maison est simple, sans eau courante, mais agréable. La douche se prend grâce à l’eau du puit et les toilettes correspondent à des latrines d’avant-guerre. Après un temps d’adaptation, je me sens comme un poisson dans l’eau et apprécie même la douche à la belle étoile. Je découvre le marché, les places publiques, le centre agroécologique Songhaï… Je me fais faire sur mesure la tenue traditionnelle appelée «bomba» et l’on me tresse les cheveux. Nous nous déplaçons en zem (zemidjans), ou taxi-moto, à trois et sans casque. Cela peut sembler dangereux, mais ici c’est tout à fait normal. J’expérimente et apprécie, pendant ces quelques jours, la vie de mes amis béninois.

Il me faut déjà repartir pour la grande ville de Cotonou. La famille chez qui je loge est aux petits soins pour moi, je m’y sens comme à la maison. Quelle joie de pouvoir rentrer se ressourcer quelques jours, avant mon prochain départ pour Zagnanado.

De retour dans le village, les rencontres sont enthousiasmantes! Au départ désorientée par ce voyage, je découvre petit à petit ce qu’est réellement le Bénin. Les inlassables «yovo, yovo» (expression qui signifie blanc en fon) qui fusaient lors de mes sorties quotidiennes semblent s’atténuer, ou peut-être, n’y fais-je plus attention. Je ressens une joie de découvrir ce pays, ses coutumes et traditions qui en font une nation très diversifiée.

Le livre de la jungle sous les yeux

En parlant de diversité… De par sa configuration singulière, le Bénin présente une grande richesse faunistique et floristique. Le Sud, dans lequel je séjourne depuis maintenant deux mois, recèle d’une flore tropicale typique telle que les palmiers, les bananiers, les cocotiers, les orangers… Au Nord, les parcs nationaux renferment une faune fantastique comme on la connaît si bien dans le livre de la jungle. La découverte du Nord du Bénin pourrait d’ailleurs s’avérer être un objectif à concrétiser durant les deux prochains mois de mon séjour.

Entre deux visites, le travail s’intensifie, il me faut creuser des fosses de trois mètres de profondeur afin d’étudier les propriétés du sol cultivé. Ici, pas de machines, tout est réalisé à la main. Et c’est avec étonnement que je découvre la force vive des Béninois. En moins d’une journée, un trou d’une profondeur de trois mètres est réalisé à la seule force des bras. Je découvre alors des sols aux multiples colorations, du brun au rouge, en passant par le jaune et l’orangé. Une vraie œuvre d’art s’offre à mes yeux.

Cuisine santé

Après avoir évoqué le plaisir des yeux, il est incontournable de parler du plaisir des papilles. En effet, la qualité des plats béninois s’impose tant sur le plan gustatif que sur le plan de la santé. Cet aspect me concerne particulièrement et je m’aperçois que mon alimentation au Bénin me va mieux (excepté le piment). En discutant avec le propriétaire de la maison dans laquelle je loge, qui est aussi médecin, je prends conscience que mon régime alimentaire habituel ne me convient pas. Il m’aura fallu venir au Bénin pour approfondir la compréhension de mon fonctionnement. Grâce aux bons petits plats béninois, exempts de farine de blé et de gluten, je me sens plus légère et apprécie ces plats savoureux et bons pour la santé. En voici quelques uns: acassa (pâte de maïs fermentée), atassi (riz et haricot rouge), atta (beignet de haricots), pâte blanche (à base de farine de maïs), pâte rouge (pâte blanche à laquelle on rajoute une sauce de tomates), pâte noire (à base de farine de manioc), sauces gluantes à base de feuilles de crincrin ou de gboma, sauce de gombo… J’apprends à réaliser ces plats lors de mes divers séjours chez des amis béninois. La cuisine au Bénin est tout un art! J’ai, d’ailleurs, dû recommencer, plusieurs fois, certaines préparations culinaires sans succès. Mais comme on dit, il n’y a qu’en persévérant qu’on obtient ce que l’on souhaite. En plus des recettes de cuisine, je prends connaissance de nombreuses préparations thérapeutiques. Je découvre à quel point, nous avons oublié nos «bons vieux remèdes de grands-mères». L’utilisation des plantes en tisanes, ou autres préparations destinées à prévenir les maladies, caractérise bien l’expression «mieux vaut prévenir que guérir».

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Gare aux accidents

La vie au Bénin est aussi épicée que les plats sont pimentés. Il m’a fallu faire face à de nombreuses situations qui m’ont demandé le plus grand self-control. Les accidents sont très fréquents et il s’est avéré que dans les villages, le système du permis et du constat n’existe pas. Lorsqu’un camion surchargé de terre a reculé sur la moto qui me servait de véhicule de fonction, en manquant de peu de percuter mes deux assistants, il a fallu démêler la situation. A moi de payer tous les frais qui en ont résulté. Heureusement plus de peur que de mal, tout est rentré dans l’ordre quelques heures après. On peut noter aussi, que conduire dans la ville de Cotonou est un sacré challenge! Défi relevé, je me lance dans les rues béninoises avec quelques frayeurs au volant. Ne jamais se laisser déconcentrer car les accidents sont trop vite arrivés.

Pour finir, je souhaiterais partager quelques expressions typiques ou petits défauts de prononciation qui me font sourire lorsque j’y repense: «Lucien, peux-tu venir me chercher rapidement? Oui, je viens vous chercher au champ» (sur le champ serait mieux). Certains béninois aiment souhaiter à leur hôte toutes les grâces possibles et imaginables «bonne arrivée, bonne digestion, bonne assise»…

La touche finale portée à ce récit, sera sans aucun doute, l’incroyable expérience dans sa globalité que j’ai pu vivre au Bénin et que j’ai souhaité partager avec vous. Comme le dit si bien l’expression «les expériences forment la jeunesse», il m’a été donné l’occasion d’apprécier plein de nouvelles expériences, source d’un grand développement personnel et d’une meilleure compréhension du monde. Pour conclure, je peux dire que je suis bien arrivée à destination, cette destination qui a chamboulé ma vie.