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Pittsburgh, la cité d'acier



Plongée au cœur de l'american way of life

Étudiant à l’EPFL, section science de l’information et informatique, j’ai décidé de partir étudier une année à la Carnegie Mellon University (CMU). Retour sur mon premier semestre passé de l’autre côté de l’Atlantique.

Je n’ai pas oublié la rudesse de la session d’examens de l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne, où l’issue d’une demi-année est déterminante et je fais donc une levée de chapeau symbolique à tous ceux qui ont encore à travailler à l’heure où je n’ai plus qu’à me faire plaisir. Car Carnegie Mellon connaît peu le stress, ses contrôles étant continus – et je ne peux nier qu’il est agréable de se lever à onze heures, de déjeuner tranquillement et de relire quelques notes vite fait avant de se présenter à un examen dont le poids final est moindre.
Le semestre lui-même n’offre cependant pas vraiment l’occasion de se reposer. J’ai eu un grand nombre de projets à effectuer. Les cours sont plus axés sur la pratique que la théorie, ce qui fait se sentir proche du monde du travail. D’autant plus que beaucoup d’Américains trouvent un premier emploi après leur graduation, soit à un niveau Bachelor. CMU a tendance à pousser davantage à la créativité qu’à la réflexion scientifique, contrastant ainsi avec l’EPFL.

Une ville universitaire

Une université n’est pas faite uniquement de ses cours, et encore moins de ses examens. Carnegie Mellon possède un campus typiquement américain, avec une large allée centrale où se pressent les stands quotidiens de quelques associations et fraternités, au milieu des grands bâtiments des diverses sections, les cafétérias fast-food, la piscine et les centres sportifs, les distributeurs gratuits de journaux et les dortoirs des juniors. Ici, pas de bar Satellite: nous sommes aux États-Unis, en Pennsylvanie pour ne rien simplifier. L’alcool est interdit aux moins de vingt et un ans et partout sur le campus. Donc pas de poignées de main avec la direction qui sert des verres de blanc à Vivapoly. Mais des bagels copieusement distribués, des pizzas offertes par de grandes entreprises qui viennent recruter chez les graduates, des cours où l’on apprend à prendre des douches et d’autres intitulés Zombie Defense. De quoi surprendre et faire sourire, mais également énerver les étrangers d’Europe et d’ailleurs qui ont l’impression de retomber en adolescence, refoulés qu’ils sont à l’entrée des bars.
J’ai vingt et un ans mais je connais peu les pubs. Ici, on fait la fête chez soi. Ce qui n’empêche pas un billard à gauche à droite et de s’embrasser en public parce que we don’t care.

La ville, parlons-en, d’ailleurs. Carnegie Mellon University n’y est pas la seule université – il y en a dix. Autant dire que les quartiers qui entourent les campus de CMU et l’Université de Pittsburgh regorgent d’étudiants, de la Cathédrale du Savoir, une des plus grandes tours universitaires au monde, jusqu’au grand Schenley Park. Pittsburgh fut autrefois une ville du fer comme l’atteste son surnom, «the steel city» ainsi que son équipe de football, les Steelers. Elle est aujourd’hui un pôle de médecine et d’études reconnu dans tous les États-Unis et par-delà les océans. S’il y a une personne à qui cette ville est redevable, c’est bien Monsieur Carnegie qui, après avoir fait fortune avec le métal, a fondé des librairies dans tout l’est des USA.


Mais trêve de considérations historiques. Il fait bon vivre à Pittsburgh, ville de trois cent mille habitants, quand bien même ni lac ni montagne ne viennent égayer le paysage. M’étant préparé suffisamment tôt, j’ai trouvé une petite colocation avec deux Américaines du New Jersey et un Américain du Nevada dans une maison, non loin du campus, donnant sur une cinquième avenue quelque peu bruyante, police de proximité et pompiers obligent. Le loyer est acceptable, la nourriture bon marché, les restaurants proches, le salon assez spacieux pour fêter un Halloween bien déguisé et un Thanksgiving à vingt-cinq personnes. Le quartier n’est pas laid et la faible distance avec le campus est un atout majeur. Par ailleurs, la ville a fait de grands efforts pour intégrer les cyclistes à sa circulation et il n’est pas désagréable de s’y balader sur un deux-roues.

Le savoir un business

Mes colocataires payent quelques cinquante mille dollars par an pour leurs études. L’approche du cursus américain n’est de loin pas la même que la nôtre, la faute aux frais d’écolage. Autant dire qu’on ne commence pas en mathématiques «juste pour voir si j’aime et si j’y arrive». Le savoir est un business. On fait des études en pensant au futur salaire. On s’endette à hauteur d’un quart de million pour un papier qui mènera inéluctablement à un travail dont on a déjà l’idée. Pas étonnant, dès lors, que l’on soit démangé de tout planifier. Je leur ai fait la remarque. Je n’ai pas de vision d’avenir qui dépasse la fin de mon Master, et encore, je ne sais pas si je vais continuer dans mon domaine actuel. Alors que les Américains, du moins une bonne partie de ceux que j’ai rencontrés, savent déjà où ils désirent vivre, dans quel genre de maison, avec combien d’enfants et où partir en vacances en famille.
Rares sont les étudiants venant de Pittsburgh, à CMU. Rien de surprenant à ce que le quartier soit calme lors des vacances. Il y a des gens de l’ouest comme de l’est, pas mal de Chinois et d’Indiens, venus uniquement faire leurs études ou immigrés de seconde génération. Il est d’ailleurs intéressant de voir les différences entre ces deux types d’étrangers, du langage au comportement. Les Chinois d’ici sont de vrais Américains. Les autres sont généralement des étudiants typiques du cliché asiatique: travaillant sans cesse, voulant tout faire et tout planifier, ne se mélangeant pas. Mais, mis à part leur comportement, difficile de les discerner.

Ma conquête de l'Amérique

En hiver, Pittsburgh hiberne tant elle est vide. Voilà également la raison pour laquelle un bon nombre de Suisses présents là-bas sont rentrés au bercail. J’aurais pu aller sur la côte ouest. La perspective d’un Noël seul m’en a dissuadé et j’aurai d’autres occasions de voyager.

J’ai déjà pu me balader un peu sur ce continent, des musées de Washington aux Chicken Wings de Toronto, en passant par une brève visite de New York et un petit séjour au fief d’Obama pour les élections, à savoir Chicago, dans l’Illinois.

chicago_skyline


De toutes les villes que j’ai vues, Chicago est ma préférée. Ambiance sympathique, littoral magnifique. Moins d’hypocrisie? En tout cas en ce qui concerne l’alcool. On l’appelle la ville des vents et elle porte bien son nom, le lac Michigan n’étant pas toujours tranquille. Un bémol sur mon séjour, cependant: j’ai été déçu par les Américains lors des élections. Il n’y avait pas plus de trois mille personnes dans les rues de Chicago le six novembre, ce qui est bien faible face aux deux cent cinquante mille pour le discours d’investiture de 2008. J’ai séché quelques cours pour y aller et je dois dire m’être pris au jeu du journaliste, en publiant quelques articles sur mon journal en ligne. Barack Obama a bien fait son discours à Chicago, mais dans un centre fermé. Il fallait une invitation pour y aller. Dans les rues, pas de banderole, pas de tract: les campagnes américaines se font au porte-à-porte et au téléphone. De plus, l’Illinois est considéré comme étant essentiellement démocrate, ce qui fait qu’aucune action politique n’y a été menée avant les élections, au contraire, par exemple, de l’Ohio qui recevait des cars de bénévoles pour pousser au vote les indécis et les abstentionnistes.

Mais une chose manque à ces petites escapades: c’est la nature. Voyager aux État-Unis sans voiture ne se fait qu’en avion, train ou car reliant les grandes villes. Difficile d’aller au cœur des parcs, de capturer l’ambiance de ces territoires immenses.

Voilà bien un objectif pour le second semestre!