Poursuite et faillite

Tu es parti en vacances en oubliant de payer tes factures? Tu as vendu ta chaîne hi-fi à crédit et tu n'arrives pas à récupérer ton argent? Alors la poursuite te concerne peut-être.

Après l'équipe de gros bras armés de battes de baseball, la poursuite est l'un des moyens les plus rapides pour récupérer une somme d'argent. La procédure est cependant relativement compliquée. Les détails ne seront pas examinés ici mais il y a toutefois un certain nombre de choses à savoir si l'on se retrouve confronté à une situation de ce type.

Faisons tout d'abord quelques distinctions: la poursuite est la procédure, déterminée par le droit fédéral (Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, abrégée LP), qui permet à un créancier de récupérer son argent. Elle ne doit pas être confondue avec la poursuite (ou la plainte) pénale, ni avec d'autres mesures contraignantes (récupérer un objet, faire évacuer des locataires etc.): la poursuite ne concerne que le recouvrement de créance d'argent.

Si la poursuite aboutit avec succès et que le poursuivi ne paye toujours pas, elle mène à la saisie si le débiteur est un individu, et à la faillite si le débiteur est une entreprise inscrite au registre du commerce. La saisie est un acte de l'office des poursuites qui consiste en la confiscation de biens ou de créances (p.ex. le salaire) du débiteur afin de les vendre au profit du créancier poursuivant. Quant à la faillite, généralement réservée aux sociétés, c'est une procédure longue et compliquée qui consiste à vendre tous les actifs, à rembourser les dettes et à redistribuer l'éventuel solde avant de radier définitivement la société du registre du commerce. C'est généralement l'issue d'une entreprise qui n'arrive plus à faire face à ses dettes. Il s'agit là d'une mesure extrême qui exige la décision d'un juge, et il existe quelques possibilités pour échapper, au moins provisoirement, à cette sanction (sursis, concordat etc.).

Mais nous en étions là : tu n'as pas payé ta facture de téléphone. Pas bien. Contrairement à certaines idées reçues, ton opérateur n'a pas besoin d'envoyer plusieurs rappels ni de couper la ligne avant d'entamer la poursuite. Si tu devais payer jusqu'à aujourd'hui, il peut te mettre aux poursuites demain. En fait il pouvait même te mettre aux poursuites hier : dans le droit suisse, n'importe qui peut entamer des poursuites contre n'importe qui, n'importe quand et pour n'importe quelle raison ; le rappel ne repose que sur un usage commercial. Ton créancier peut donc te faire envoyer un commandement de payer par l'office des poursuites.

Pour cela, il suffit de remplir un petit formulaire disponible à l'office des poursuites, qui va pour cela exiger du poursuivant une avance de frais (qui varie entre les cantons et dépend du montant de la poursuite; p.ex. 17.- pour une créance jusqu'à 100.- dans le canton du Jura). Les frais engagés par le créancier s'ajoutent à la dette du débiteur si la poursuite aboutit; mieux vaut donc éviter d'en arriver là. Dans ce petit formulaire, on va demander le strict minimum d'information au créancier : qui est-ce qui poursuit qui et pour quel montant ? On va aussi lui demander le motif mais à titre uniquement informatif pour le débiteur. Il ne faut donc pas établir auprès de l'Office des Poursuites qu'on te doit de l'argent. Tu reçois un commandement de payer : pas de panique. Si tu dois effectivement cet argent, alors paie-le sans délai. Si tu estimes au contraire que tu ne dois pas d'argent ou pas autant, tu as 10 jours pour faire opposition. Si tu ne fais pas opposition, l'argent sera, sous réserve de quelques possibilités aussi limitées que compliquées, considéré comme dû que ce soit effectivement le cas ou non.

Attention donc. Si tu fais opposition, tu bloques la poursuite. Ensuite la balle est à nouveau dans le camp du poursuivant. Pour continuer la procédure, il devra, s'il le peut, demander la levée de l'opposition; sinon, il sera obligé d'agir en justice. Pour obtenir la levée de l'opposition, il a besoin d'un titre qui fonde sa créance (un contrat écrit par exemple). S'il obtient cette levée, alors la poursuite continue et c'est toi qui dois agir en justice en libération de dette.

C'est là toute la spécificité du système de la poursuite: elle renverse la balance. Sans utiliser la voie de la poursuite (ce qui est tout à fait possible), c'est au créancier d'agir en justice au tribunal. La poursuite, par contre, permet au créancier de mettre le débiteur dans cette situation désagréable de devoir agir en justice lui-même s'il estime ne pas devoir payer. Il s'agit d'un gros atout pour les créanciers: l'action en justice, contrairement à la poursuite, peut être relativement longue et coûteuse et, pour les petits montants, il est probable que le débiteur préfère payer ou accepte de transiger plutôt que d'avancer les frais et de prendre les risques de l'action en justice.

Si tu ne fais pas opposition ou que ton créancier obtient la levée de celle-ci et que tu renonces à agir en justice (ou qu'elle tranche en ta défaveur), alors le poursuivant peut demander la saisie de tes biens pour être remboursé. Evidemment, à chaque instant de cette procédure, si tu payes ta dette, la poursuite s'interrompt.

J'ai pris ici de nombreux raccourcis pour expliquer en quelques phrases un système assez complexe. Je tiens encore à noter qu'il ne faut pas oublier que beaucoup d'entreprises consentent à la discussion. L'office des poursuites est neutre et il est inutile d'essayer de s'arranger avec lui; en revanche il ne faut pas hésiter à prendre contact avec le créancier pour tenter de trouver une solution.